- gêner
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1 ♦ Vx Torturer, supplicier. — Par ext. Faire souffrir. ⇒ tourmenter. « Et le puis-je, Madame ? Ah ! que vous me gênez ! » (Racine).2 ♦ (1669) Mod. Mettre (un être vivant) à l'étroit ou mal à l'aise, en causant une gêne physique. Ces souliers me gênent. ⇒ serrer . Cette veste me gêne aux emmanchures. P. p. adj. Être gêné dans des vêtements trop raides. ⇒ engoncé. Être gêné aux entournures. — Est-ce que le soleil, la fumée vous gêne ? ⇒ déranger, incommoder, indisposer. Cela vous gênerait-il de vous pousser un peu ?♢ Entraver, freiner, empêcher le mouvement, l'action de. Donnez-moi ce paquet qui vous gêne. ⇒ embarrasser, encombrer. — Par ext. Le terrain difficile gêne le mouvement des troupes. ⇒ 1. entraver. Travaux qui gênent la circulation.3 ♦ Mettre dans une situation embarrassante, difficile, où s'exerce une contrainte. ⇒ embarrasser, empêcher, handicaper. Il me gêne dans mes projets. J'ai été gêné par le manque de temps, de place. ⇒ contraindre.♢ Infliger à qqn l'importunité d'une présence, d'une démarche. ⇒ déplaire, déranger, importuner. Je crains de vous gêner en m'installant chez vous. Absolt Il a toujours peur de s'imposer, de gêner.♢ Spécialt Mettre dans une situation financière embarrassante. C'est une dépense qui va me gêner. P. p. adj. Je me trouve un peu gêné. ⇒ serré (cf. À court).4 ♦ Mettre mal à l'aise. ⇒ intimider, troubler. « le regard oblique qu'il jeta sur Jean, gêna beaucoup ce dernier » (Zola). Votre question me gêne. Ça me gêne qu'il me rende un tel service. — P. p. adj. Sourire gêné. « la contenance gênée de l'homme tombé mal à propos » (Courteline). ⇒ contraint, emprunté, gauche. Avoir l'air gêné. Se sentir gêné. J'étais terriblement gêné. « Il était d'autant plus gêné [...] d'avoir paru gêné » (Proust).5 ♦ SE GÊNER v. pron. S'imposer quelque contrainte physique ou morale. Tu n'as pas à te gêner devant moi. Un homme avec qui l'on ne se gêne pas. ⇒ se contraindre. Elle ne s'est pas gênée pour lui dire ce qu'elle pensait. On ne lui dit rien, il aurait tort de se gêner ! Iron. Ne vous gênez pas ! se dit à qqn d'indiscret, d'inconvenant, qui en prend un peu trop à son aise (⇒ sans-gêne) . « C'est ça, insulte-moi [...] Ne te gêne pas ! » (Aragon). Fam. Je vais me gêner ! je ne vais pas hésiter à le faire.♢ (Suisse) Être intimidé, avoir honte.⊗ CONTR. Soulager. Aider, dégager, libérer, servir. 1. Aise (mettre à l'aise).Synonymes :- empêtrer- engoncer- peser- sangler- serrerDéranger quelqu'un dans son action, entraver, freiner l'action de quelque chose ;...Synonymes :- entraverContrarier le bon déroulement d'un processus, d'une action, constituer un...Synonymes :- entraver- limiter- ralentirCauser du dérangement à quelqu'un en lui infligeant sa présence...Synonymes :- dérangerFaire éprouver à quelqu'un un malaise d'ordre psychologique, intellectuel, moral...Synonymes :- troublergênerv. tr.d1./d Causer une gêne (sens 2), un malaise à. Mes souliers me gênent.— Pp. Personne gênée par un bruit, une odeur.|| Entraver, faire obstacle au mouvement, à l'action de. Gêner la circulation.d2./d Créer de la difficulté, causer de l'embarras à. Gêner qqn dans ses projets.d3./d Troubler, mettre mal à l'aise. Son regard me gêne.— Pp. adj. Un air gêné.d4./d Intimider. ça la gêne de poser une question en public.d5./d Réduire à une certaine pénurie d'argent. Cette dépense risque de nous gêner.— Pp. adj. Il est momentanément gêné.d6./d v. Pron. Se contraindre par discrétion ou par timidité. Entre amis, on ne va pas se gêner!— Iron. Ne vous gênez pas!, se dit à une personne qui prend des libertés excessives.|| (Afr. subsah.) S'imposer des privations. Sa famille se gêne pour payer ses études.|| (Suisse) être intimidé. Il ne veut pas entrer, il se gêne.⇒GÊNER, verbe trans.A. — Emploi trans.1. Vx, inus. Mettre à la gêne, au supplice (cf. gêne A). (Dict. XIXe et XXe s.).— Au fig., littér. Soumettre à des vexations. Toutes les législations antiques méprisent les femmes, les dégradent, les gênent, les maltraitent plus ou moins (J. DE MAISTRE, Éclairciss. sur sacrif., 1821, p. 292).2. Usuela) Causer une gêne physique ou matérielle à quelqu'un. Gêner qqn dans ses mouvements; être gêné par la fumée du tabac. L'habit rouge était juste; il me gênait sous les bras (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 288). L'émotion douce et lourde continuait de gonfler et de gêner sa poitrine (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 63) :• 1. Sa main, encore toute empaquetée de blanc, avec ses deux doigts amputés, le gênait bien un peu, et il ne parlait pas sans fatigue...DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 302.— Emploi abs. Je ne me rappelle pas avoir vu une fleur à la maison. Maman dit que ça gêne, et qu'au bout de deux jours ça sent mauvais (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 5).— Être gêné aux entournures.b) Constituer un obstacle, une entrave à l'activité de quelqu'un ou au fonctionnement de quelque chose. Gêner la circulation, la navigation, une manœuvre. L'inspecteur, par discrétion et pour ne pas gêner l'élève de l'abbé Faria dans ses recherches, s'était éloigné (DUMAS père, Monte-Cristo, 1846, p. 343). Les romanciers, par la description trop exacte de leurs personnages, gênent plutôt l'imagination qu'ils ne la servent (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 989) :• 2. Le vent changea. Il était d'humeur incertaine. Aussi les troupes de nuages tournaient-elles en s'effilochant sur le pays, où elles lançaient de brusques averses. Les moissons en furent gênées. Il n'y eut pas de feux de Saint-Jean.BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 137.— En partic. Être gêné. Être à court d'argent. Madame Jules devait se trouver souvent gênée. Les vingt mille francs que lui accordait son mari (...) ne pouvaient pas (...) suffire à ses dépenses (BALZAC, Ferragus, 1833, p. 32). Pourtant j'avais entendu dire que l'État était gêné, qu'il n'arrivait pas à boucler son budget (AYMÉ, Nain, 1934, p. 160).c) Provoquer (chez quelqu'un) un sentiment de confusion, une contenance embarrassée, (le) mettre mal à l'aise. Se sentir extrêmement, horriblement gêné. Des regards qui gênent une femme comme si on lui enlevait sa robe (BALZAC, Goriot, 1835, p. 207). Mon silence devait le gêner, car il a cessé de parler, m'a jeté un coup d'œil en dessous (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 239) :• 3. ... il détournait les yeux : il était un peu troublé d'être seul avec elle. Elle le gênait; il n'écoutait pas ce qu'elle disait; il ne lui répondait pas, ou bien tout de travers...ROLLAND, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 358.B. — Emploi pronom.1. Emploi pronom. réfl.a) S'imposer une contrainte, au physique ou au moral. Se gêner pour les autres, pour faire de la place. Il décida de ne pas se gêner et d'agir comme ça lui chanterait (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 391) :• 4. LE DOCTEUR. — Enfin, si les gens en ont assez d'être bien portants, et s'ils veulent s'offrir le luxe d'être malades, ils auraient tort de se gêner. C'est, d'ailleurs, tout bénéfice pour le médecin.ROMAINS, Knock, 1923, III, 3, p. 16.— Ne pas se gêner pour + inf. Dire ou faire quelque chose carrément, avec fermeté, sans hésiter. Je ne me gênerai pas pour lui dire qu'il met trop de pommade (BECQUE, Corbeaux, 1882, I, 1, p. 59).— Ne vous gênez pas! Mettez-vous à l'aise. Si vous avez envie de rire, ne vous gênez pas (FLERS, CAILLAVET, M. Brotonneau, 1923, I, 15, p. 9) :• 5. Mme Verdurin (...) pour les mettre à l'aise, disait : « Si vous avez envie de faire de la musique, ne vous gênez pas, les murs sont comme ceux d'une forteresse, vous n'avez personne à votre étage, et mon mari a un sommeil de plomb. »PROUST, Sodome, 1922, p. 1043.♦ P. iron. fam. Ne vous gênez pas/plus! Faut pas vous gêner! Vous avez du toupet, vous dépassez les bornes (de la politesse, de la bienséance, etc.), vous agissez avec une liberté excessive. Comment! Ils arrivent ensemble! murmura Trublot. Eh bien! ne vous gênez plus! (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 85). Panisse, outré : Eh bien, dis donc, ne vous gênez plus! Montre-lui ton jeu puisque tu y es! (PAGNOL, Marius, 1931, III, 1er tabl., 1, p. 155) :• 6. Penché sur les registres d'ordre, un homme était accoudé à ma table. Il me tournait le dos. Il ne m'avait pas entendu venir.— Eh bien, Gourrut, mon garçon, je vous en prie, ne vous gênez pas. Faites comme chez vous.L'homme s'était levé, je le vis, assez grand, svelte et pâle.BENOIT, Atlant., 1919, p. 29.b) En partic. S'imposer une restriction financière ou matérielle. Elle força Denise à accepter les six francs qui lui manquaient, en la suppliant de ne pas se gêner, de ne les rendre que lorsqu'elle gagnerait davantage (ZOLA, Bonh. Dames, 1883, p. 513). Je me gênais. Je me suis même gêné jusqu'à mendier (BLOY, Journal, 1892, p. 41).2. Emploi pronom. réciproque. Se contrarier, s'apporter mutuellement de la gêne (physique ou matérielle). La Prusse ni l'Autriche n'y sont pas non plus chez elles; elles se gênent et se coudoient (HUGO, Rhin, 1842, p. 250). Une grande table ronde autour de laquelle dix-huit personnes peuvent s'asseoir sans se gêner (GREEN, Journal, 1941, p. 80)Prononc. et Orth. : [
] ou, p. harmonis. vocalique, [
]; (il) gêne [
]. Ds Ac. dep. 1694. Cf. gêne subst. Étymol. et Hist. A. 1. 2e moitié 14e s. jehisner « avouer sous la torture » (Dialogues fr.-flam. E l b ds T.-L.); 2. 1363 gehenner « soumettre à la torture » (Collection de Bourgogne, t. CVII, f° 185 v° ds B. PROST, Inventaires mobiliers des Ducs de Bourgogne, t. 1, n° 205, p. 21). B. 1. 1515 gehainer « torturer moralement, tourmenter » (Epistre du Chevalier transfiguré ds Recueil de poésies fr. des 15e et 16e s., éd. A. de Montaiglon, t. 4, p. 191); 2. 1569 genner « causer une gêne physique, mettre à l'étroit » (RONSARD, Sixième livre des poèmes, Discours, vers 17 ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 15, p. 86). C. 1. 1549 gehinner « entraver, empêtrer, contraindre » (DU BELLAY, Deffence et illustration de la langue françoyse, I, 9, éd. H. Chamard, 1948, p. 51); 2. 1565 genner « imposer une contrainte morale » (RONSARD, Elégies, mascarades et bergerie, vers 156, ibid., t. 13, p. 138); 3. av. 1703 gêner « intimider, embarrasser » (Saint-Évremond, s. réf. ds Trév. 1704); 4. 1768 être gêné « être dans une situation financière embarrassante » (A. ROBINEAU DE BEAUNOIR, La Bourbonnoise, p. 26-27 ds QUEM. DDL, t. 19). Dér. de gêne; dés. -er. Fréq abs. littér. : 2 927. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 362, b) 4 540; XXe s. : a) 5 407, b) 4 747. Bbg. DUMONCEAUX (P.). Lang. et sensibilité au 17e s. Genève, 1975, p. 33; pp. 64-65.
gêner [ʒene] v. tr.ÉTYM. 1530; gesner, du XVIe au XVIIIe; gehinner, 1381; gehenner, 1363 (encore au XVIIe) au sens 1.; de gêne.❖♦ Soumettre, exposer à la gêne, à une gêne.1 Vx (jusqu'au XVIIIe). Mettre à la torture, au supplice. ⇒ Géhenner, supplicier, torturer.1 La Reine, à la gêner prenant mille délices,Ne commettait qu'à moi l'ordre de ses supplices (…)Corneille, Rodogune, I, 4.♦ (Fin XVIe, d'Aubigné). Vx. Soumettre à une peine morale très vive, à un tourment. ⇒ Tourmenter.2 Et le puis-je, Madame ? Ah ! que vous me gênez !Racine, Andromaque, I, 4.2 (1669). Mod. Mettre (un être vivant) à l'étroit ou mal à l'aise, en causant une gêne d'ordre physique. || Ces souliers me gênent. ⇒ Serrer. — Au p. p. || Enfant gêné et comprimé (cit. 8) dans ses langes; gêné dans des vêtements trop raides. ⇒ Empêtrer, engoncer. — Cette veste me gêne aux emmanchures. || Ce type de soutien-gorge ne vous gênera pas. || Ses cheveux (cit. 25) épais la gênent. || Ils sont tellement habitués à cette odeur que cela ne les gêne plus. || J'ai changé de lunettes, mais ces nouveaux verres me gênent. || Est-ce que le soleil, la fumée vous gêne ? ⇒ Déranger, incommoder, indisposer. || Le bruit la gêne. — (Sujet n. de personne). || Tu prends trop de place, tu me gênes. — Au p. p. || Je me sens gêné pour respirer. ⇒ Angoisser, oppresser.3 L'empereur, quoique malade et gêné à cheval par une souffrance locale, n'avait jamais été de si bonne humeur (…)Hugo, les Misérables, II, I, VII.4 Furtivement, elle tira vers le bas sa jupe dont la ceinture la gênait.J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 438.♦ (1752, Trévoux). Entraver, freiner, empêcher le mouvement, l'action, le développement de (→ Contrainte, cit. 5). || Coureur déclassé pour avoir gêné un concurrent. || Cette genouillère me gêne un peu pour marcher. || Donnez-moi ce paquet qui vous gêne. ⇒ Embarrasser, encombrer (cit. 3). || Ces bâtiments en bordure de l'aérodrome peuvent gêner les aviateurs (cit. 3). || Couper (cit. 2) les mauvaises herbes qui gênent les légumes. || Gaine qui emmaillote (cit. 4) et gêne le germe.5 Tout ce qui gêne et contraint la nature est de mauvais goût; cela est vrai des parures du corps comme des ornements de l'esprit.Rousseau, Émile, V.6 Le roulis le remuait, le gênait dans sa besogne (…)Loti, Mon frère Yves, LXXXIX.7 — Je donne ma valise à un porteur, dit Guy. Elle n'est pas lourde, mais elle me gênerait pour parler.J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 279.♦ Par ext. (Le compl. désigne une fonction ou une action soumise à une gêne). || Astigmatisme (cit.) gênant la vision. || Corset qui gêne la respiration, la circulation. || Le terrain difficile gêne le mouvement des troupes. ⇒ Entraver, restreindre. || Travaux qui gênent la circulation des voitures. || Estuaire (cit. 2) où une barre gêne la navigation. ⇒ Obstruer.8 La mousqueterie des assiégeants, quoique gênée et de bas en haut, était meurtrière.Hugo, les Misérables, V, I, XXII.3 Cour. a (Compl. n. de personne). Mettre (qqn) dans une situation embarrassante, difficile, où s'exerce une contrainte. ⇒ Embarrasser, empêcher. || Il me gêne dans mes projets. || Lois, règlements, usages qui peuvent gêner qqn. || J'ai été gêné par le manque de temps, de place. || On sent que l'auteur a été gêné par sa thèse. ⇒ Captif (être), esclave. || C'est un poète que la rime paraît gêner. || Libérez-vous de tous ces préjugés qui vous gênent. ⇒ Contraindre. || Les succès de son étudiant commencent à le gêner.9 Vois sous ce chêneS'entre-baiser ces oiseaux amoureux;Ils n'ont rien dans leurs vœuxQui les gêne (…)Molière, le Bourgeois gentilhomme, Ballet des nations, 5.10 Britannicus le gêne, Albine; et chaque jourJe sens que je deviens importune à mon tour.Racine, Britannicus, I, 1.11 Napoléon avait été dénoncé dans l'infini, et sa chute était décidée. Il gênait Dieu.Hugo, les Misérables, II, I, IX.12 Ce mari commençait à me gêner, plus que s'il avait été là et que s'il avait fallu prendre garde. Une lettre de lui prenait soudain l'importance d'un spectre.R. Radiguet, le Diable au corps, p. 86.13 Jean est certainement plus gêné que secouru par l'abondance de ses souvenirs.Gide, Journal, 23 mai 1919.b (Compl. n. de chose). || Gêner les penchants, l'inclination, les habitudes, les intérêts de qqn. ⇒ Contrarier (→ Autoritarisme, cit.). || Tout ce qui peut gêner notre action. ⇒ Brider, nuire, obstacle (faire), paralyser. || Gêner l'industrie, le commerce (→ Entier, cit. 6; exclusif, cit. 1). || Cela ne gêne en rien la marche de son affaire (→ Clôture, cit. 6). || Gêner et appauvrir (cit. 2) la langue en voulant la purifier.14 (…) les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours (…)Beaumarchais, le Mariage de Figaro, V, 3.15 Au reste, il existe un critérium très sûr pour savoir si le clerc qui agit publiquement le fait conformément à son office : il est immédiatement honni par le laïc, dont il gêne l'intérêt (Socrate, Jésus).Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 132.16 (…) ces fausses ou véritables pudeurs qui gênent tant les conversations trop occidentales.Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 425.17 La raréfaction grandissante de la monnaie commençait à gêner considérablement le commerce.Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 140.♦ Au p. p. || Habitude gênée. || Prose qui ne paraît jamais gênée (→ Emploi, cit. 3).c (Compl. n. de personne). Spécialt. Infliger à (qqn) l'importunité d'une présence, d'une démarche. ⇒ Déplaire, déranger, importuner. || J'ai détourné la tête pour ne pas le gêner (→ Éviter, cit. 33). || Je crains de vous gêner en m'installant chez vous. ⇒ Trop (être de). || Je voudrais vous voir un instant, si cela ne vous gêne pas. || Si cela ne vous gêne pas de coucher dans la même chambre (cit. 7). || Est-ce que cela vous gênerait de faire cette course pour moi ? || Je ne vous gêne pas, vraiment ? — Absolt. || Il a toujours peur de s'imposer, de gêner.18 Et ces intrus gênaient les gabiers, qui voulaient être seuls et le leur donnaient à entendre.Loti, Mon frère Yves, XXV.19 (…) habitué depuis nombre d'années à travailler seul, nerveux et beaucoup moins stimulé que gêné par la présence de vingt-cinq camarades.Gide, Si le grain ne meurt, I, VIII.20 (…) une invincible timidité me retenait, et cette crainte, qui me paralyse souvent encore, d'importuner, de gêner ceux vers qui je me sens le plus naturellement entraîné.Gide, Si le grain ne meurt, I, X.21 Je parlerai donc de mes vers et de mon métier. Que ceux que cela gêne ferment ce livre, et ne lisent pas mes vers.Aragon, les Yeux d'Elsa, p. XVI.♦ Au p. p. || Un jeune homme un peu, très gêné. || Il est plus gênant que gêné. — Fam. || Eh bien, il n'est pas gêné, celui-là !, il ne se gêne, ne se contraint pas (souvent péj.). Ellipt. || Pas gêné !d (1835). Spécialt. Mettre (qqn) dans une situation financièrement embarrassante. || C'est une dépense qui va me gêner en ce moment. — (1768). Au p. p. || Je voudrais bien vous rendre service, mais je me trouve un peu gêné moi-même. ⇒ Gêne; court (à), serré.22 (…) il apprit que son père, depuis longtemps gêné dans ses affaires, venait de faire faillite (…)A. de Musset, Nouvelles, « Croisilles », I.23 (…) bien sûr que ça ne gênait point les Delhomme de nourrir leur père; tandis que les Buteau, dame ! ils n'avaient pas de quoi.Zola, la Terre, IV, II.24 — Un petit secours, patron. Trois fois rien, ce serait encore assez. — Tastard, excusez-moi. J'arrive à la fin du mois, non sans grosses difficultés. J'ai de la famille, vous ne l'ignorez point. Je suis moi-même très gêné.G. Duhamel, Salavin, IV, 27 juin.4 (1669, Racine). Mettre (qqn) mal à l'aise. ⇒ Intimider, troubler. || Gêner qqn par son attitude, ses regards. || Sa timidité finit par me gêner moi-même (→ Égard, cit. 16).25 Il lâcha un nouveau rire, et le regard oblique qu'il jeta sur Jean, gêna beaucoup ce dernier, qui se taisait en arrondissant le dos, depuis qu'on parlait de Jacqueline.Zola, la Terre, IV, I.26 Pour jouer, elles les gênaient et les intimidaient trois fois plus que le public des grands jours, — si railleuses, toutes !Loti, Ramuntcho, I, XIV.♦ Au p. p. || Contenance (cit. 3) gênée. ⇒ Affecté, contraint, emprunté, gauche. || Avoir l'air gêné (→ Ennuyeux, cit. 2). || Je me sens gêné en face de lui, il me fait perdre mes moyens. || Elle était gênée par la curiosité (cit. 19) des passants. || Elle rougit, gênée par cette allusion. || Sourire gêné.27 Son sourire, son rire, ont l'air, après chaque phrase, de vous demander pardon. C'est un des êtres les plus gênés que je connaisse.Gide, Journal, 14 janv. 1902.28 Comme il ne lui en parlait jamais, il était d'autant plus gêné d'avoir dit quelque chose qui pouvait avoir l'air de s'y rapporter, et plus encore d'avoir paru gêné.Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 153.29 Ce jour-là, pourtant, M. Jacob ne souriait pas; il ne faisait pas de grâces. Dès les premiers mots, il avait pris un air gêné, puis il était devenu tout rouge, puis il avait baissé les yeux et il s'était mis à contempler le radiateur (…)G. Duhamel, Salavin, I, I.➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.——————se gêner v. pron.1 (1580, Montaigne). Réfl. S'imposer une contrainte physique ou morale. || En vous gênant un peu, vous pourrez tenir à trois sur la banquette arrière. ⇒ Serrer (se). || Ne vous gênez pas, je vous en prie, vous êtes ici chez vous. || Un homme avec qui l'on ne se gêne pas. ⇒ Contraindre (se). → Consort, cit. 1. — Elle ne s'est point gênée pour lui dire ce qu'elle pense (→ 1. Faux, cit. 21). || On ne lui dit rien, il aurait bien tort de se gêner ! — ☑ (1865). Iron. Ne vous gênez pas !, se dit à quelqu'un d'indiscret, d'inconvenant, qui en prend un peu trop à son aise.30 Il est vrai que je n'aimais pas à rester longtemps avec elle et il n'est guère en moi de savoir me gêner.Rousseau, les Confessions, IX.31 (…) les beautés les plus cachées lui apparaissent sans voiles. — On ne se gêne pas devant lui; — c'est un eunuque.Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin, éd. critique Matoré, p. 17.32 Nous ne nous gênions pas plus que des sauvages, nous promenant presque nus dans le jardin, véritable île déserte.R. Radiguet, le Diable au corps, p. 148.33 (…) l'artiste est un grand seigneur, dont la vie, les pensées, se font, comme il leur plaît, devant le public, aussi bien que dans la solitude, et n'ont à se gêner pour personne.J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VI, p. 283.34 C'est ça, insulte-moi ! Allez, allez ! Ne te gêne pas ! Être dénaturé !Aragon, les Beaux Quartiers, I, XXII.35 Ses lettres (de la Grande Catherine) à Grimm étaient beaucoup plus savoureuses, l'impératrice, moins intimidée par le baron que devant le sage de Ferney, ne se gênant pas pour dire tout à trac (…) ce qui lui passait par la tête.Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 205.♦ (1770, Voltaire). Spécialt. S'imposer une gêne financière (→ Envoyer, cit. 15).2 Régional (Suisse). || Se gêner : être intimidé. || Se gêner de qqn : être intimidé par qqn. || Se gêner de (et l'inf.) : avoir honte de.36 Plus personne ne veut rester à la campagne, en Ardèche, actuellement; on se gêne de dire qu'on est fils de paysan.G. Clavien, le Partage, p. 219.3 Récipr. ⇒ Contrarier (se). || Les coéquipiers se sont gênés en voulant reprendre le ballon. || Entendons-nous d'abord, au lieu de nous gêner l'un l'autre.——————gêné, ée p. p. adj.♦ Voir ci-dessus à l'article, notamment 2. (cit. 3 et 8), 3. (cit. 19; cit. 22 et supra) et 4. (cit. 27, 28, 29 et supra).❖CONTR. (Des sens 2. et 3.) Soulager. — Aider, assister, débarrasser, dégager, libérer, servir. — (Du sens 4.) Mettre (à l'aise). — (Du p. p.) Aise (à l'), désinvolte, libre.DÉR. Gênant, gêneur.
Encyclopédie Universelle. 2012.